Laure Coanus : “Au final, il faut que tous les acteurs oublient qu’on est une femme”
Depuis ses premiers ballons à l’âge de 6 ans, bien des rebonds ont été effectués. Femme arbitre de haut niveau, Laure Coanus affiche son efficacité, ses compétences et sa confiance sur les terrains. Rencontre, autour d’un thé à la menthe, sur la place des femmes dans l’arbitrage français.
"Arbitrer ça peut faire peur, surtout pour les femmes car par nature, je n’aime pas le dire, nous sommes plus timides que les hommes." Laure Coanus.
Photo : Maxime Giralt
Depuis que vous avez mis les pieds dans l’arbitrage, avez-vous vu une différence sur la manière dont les femmes sont perçues ?
On est dans un contexte où les femmes sont de plus en plus présentes à des postes à responsabilité. C’est le cas dans les entreprises et dans le sport. Et depuis 20 ans, les femmes prennent une place plus importante dans les rôles de dirigeants dans le sport. C’est le cas dans l’arbitrage. On est de plus en plus à faire carrière et je pense que c’est bien de mettre ça en lumière.
Qu’est-ce qui pourrait freiner une femme à devenir arbitres ?
Pas énormément. Quand on est arbitre au niveau départemental, il y a 25% de femmes. À haut niveau, c’est autour de 10%. C’est un peu pyramidal. Il faut que tous, on continue à inciter des jeunes filles à prendre le sifflet. La Fédération, nous les arbitres de haut niveau et les formateurs.
Arbitrer ça peut faire peur, surtout pour les femmes car par nature, je n’aime pas le dire, nous sommes plus timides que les hommes. Se retrouver face à des hommes sur un terrain, parfois très grands, peut paraître compliqué. Même intimidant. Mais c’est juste une idée reçue. Au final, il faut que tous les acteurs oublient qu’on est une femme.
Selon vous, une femme apporte-t-elle quelque chose de différent d’un homme sur le terrain ?
C’est possible, oui. Un joueur sera plus respectueux quand il arrivera face à une femme que face à un homme. Surtout quand on pense à tous les phénomènes comme #MeToo. Les gens font plus attention.
Mais on est surtout beaucoup plus considérées, car peu nombreuses. Les coaches, les spectateurs et les joueurs nous remarquent quand ils nous voient pour la première fois, nos visages et nos coups de sifflets restent un peu plus dans leurs têtes.
Après, c’est comme tout le monde : il faut prouver constamment qu’on a notre place où nous sommes tout en faisant peut-être bouger les choses en faveur de la cause féminine.
| "Recruter et faire monter des femmes pour remplir des quotas c’est ridicule si dans le même temps le niveau ne suit pas." |
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Vous le disiez, vous êtes peu nombreuses. Trois femmes en Betclic Elite pour une quarantaine d’arbitres…
C’est peut-être peu, mais les choses changent. Je pense qu’avant de parler de parité, il faut qu’on parle avant tout de compétence. Pour moi, c’est ça qui prime sur tout le reste. Recruter et faire monter des femmes pour remplir des quotas c’est ridicule si dans le même temps le niveau ne suit pas. C’est précisément à ce moment-là que les phrases misogynes et sexistes sortiront, car ces femmes n’auront pas les compétences pour le poste.
De mon côté, je travaille avec une préparatrice mentale et un coach sportif pour garder un certain niveau d’exigence. Je travaille beaucoup au quotidien et j’ai pris conscience que ma place, je l’ai méritée. Et il faut prouver aux autres comme à soi-même qu’on est digne de cette responsabilité à chaque rencontre.
Qu’est-ce que vous diriez à une fille qui se lance dans cette activité ?
Je lui dirais d’oser. Oser mettre son premier coup de sifflet, oser mettre la tenue, oser foncer vers l’inconnu. Diriger, ce n’est pas vraiment naturel. Mais dans notre cas, il faut connaître les règles et les faire appliquer sur un terrain. Et même s’il y a erreur, le match continue, la vie continue.
Je lui dirais aussi que l’arbitrage c’est un peu une école de la vie. Ce n’est pas de moi mais de Yohan Rosso (arbitre Betclic Elite, NDLR.), et je suis particulièrement d’accord avec ça. C’est un moyen d’apprendre sur les autres, sur soi, de se faire confiance et de faire confiance. L’arbitrage c’est en parallèle de la vie de tous les jours, mais comme toute activité, c’est un peu là où on se sent vivre.
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